Ce qui est fondamental dans un mouvement naturel, reste fondamental dans le mouvement du tango. On peut comprendre les bases fondamentales du tango argentin selon 5 dimensions, que nous allons présenter ici.
Comme nous l'avons dit, il est essentiel pour nous de comprendre que les bases du tango ne sont pas de figures de danse, soit-elles des figures simples ou des "figures dites de base", comme la salida ou le ocho. Les fondamentaux du tango, dont nous présentons 5 dimensions ici, ne sont pas non plus la caminata, si essentielle que la marche du tango soit pour l'apprentissage. (voir la page dédiée >La marche du tango). Il ne s'agit donc aucunement de figures ou de pas de danse.
Les fondamentaux du tango sont impliqués dans ce que l'on appele la "posture", la "présence", l"attitude du mouvement" ou le "mouvement intérieur". Ces qualités sont au fondement des figures : elles font naître les figures dans un style particulier. Les fondamentaux sont moins visibles que les figures, mais ils sont en même temps très concrèts, physiques. Et nous aborderons leur apprentissage pratique par des exercices et des expérimentations très simples et concrets (voir la page >Comment pratiquer les fondamentaux)
Voici donc les 5 dimensions fondamentales que nous abordons systématiquement dans nous cours :
*Notre approche de la pédagogie du tango, tout ce que nous présentons ici, est protégé par nos droits d'auteur, dont la version imprimée sera publiée ultérieurement.
La tension verticale du corps dans la danse naît de deux pôles :
- d'une part, à partir du centre du corps (au-dessous du nombril) vers la terre, le bassin est pesant, attiré vers le sol, les pieds enracinés dans la terre : c'est le poids qui ancre la danse dans le sol ;
- d'autre part, la colonne est redressée vers le haut, la tête légère. La légèreté du torse repose sur l'ancrage dans le sol du bassin, des jambes et des pieds.
Cette tension entre le haut et le bas crée la dynamique verticale de la danse, du tango.
La verticalité dans le mouvement de tango concerne donc les questions suivantes :
- comment s'ancrer dans le sol ?
- comment créer l'élan vers le haut ?
- comment produire l'équilibre et l'axe dans le mouvement ?
- comment créer, à partir du sol, et l'energie vericale le contact avec le partenaire ?
En premier lieu, l'horizontalité du mouvement concerne une base de tango essentielle : comment sortir de la verticalité de la posture pour créer le déplacement dans l'espace ?
Dans notre culture, où les positions assises priment dans notre mode de vie et de travail, l'equilibre entre le placement du bassin et le redressement vertical de la colonne vertebrale est dérangé. Notre corps socialisé a tendance d'associer le fait de pencher notre axe au fait de courber la colonne au lieu de la redresser. Le corps naturel d'un enfant, en revanche, connaît un mouvement opposé : l'enfant qui se penche en avant redresse sa colonne, comme on peut l'observer quand il est assis dans un siège pour enfant et cherche à attraper un objet éloigné. L'adulte a perdu ce mouvement naturel, il courbe le dos, ou bien il essaie de le tenir droit artificiellement. L'injonction "tiens-toi droit" est l'indice de la perte du redressement naturel, induit par le corps socialisé.
Une partie importante de notre enseignement des fondamentaux est consacrée aux experimentations du corps afin de retrouver le redressement naturel de la colonne dans le mouvement horizontal. La dimension verticale et la dimension horizontale sont donc intimément liées. C'est le redressement vertical dans le mouvement horizontal qui permet de réaliser deux choses en même temps dans la danse avec le partenaire : créer la dynamique du déplacement, des impulsions rythmiques et de trouver un abrazo confortable où les deux partenaires s'enlacent sans contrainte et tension dans le dos et les épaules (voir la 3. dimension fondemantale).
En deuxième lieu, la dimension horizontale du mouvement tango concerne les dissociations et spirales dans la danse : c'est le redressement naturel de la colonne vertebrale qui permet de trouver une dissociation sans exercer une contrainte inutile sur l'ensemble du mouvement, ni sur celui de son partenaire.
Cela est essentiel aussi pour la dissociation de la jambe de terre d'avec la jambe libre. Dans le tango, cette dissociation entre la jambe qui s'ancre dans le sol pour créer le mouvement et la jambe qui est libre pour s'engager dans un direction ou créer des mouvements de fioritures (boléos, ganchos, golpecitos, etc.) est poussée à l'extrême. C'est encore une fois la relation que nous allons créer entre la verticalité et l'horizontalité du mouvement dans notre corps naturel qui sera essentiel pour apprendre ces figures et fioritures musicales.
Comment créer le contact avec le partenaire dans l'abrazo ? C'est la question primordiale du tango : c'est ici que réside le secret, que s'exprime de la manière la plus simple et pure la beauté de cette danse.
Dans nos cours, il nous semble important de distinguer clairement l'experimentation de son propre corps dans le mouvement d'avec l'apprentissage du tango à deux. C'est à partir d'un corps naturel retrouvé seul que se construit un abrazo à deux. Si l'abrazo est abordé trop rapidement, et à partir des figures trop complexes, les habitudes de mouvement du corps socialisé priment d'emblée sur l'apprentissage des fondamentaux. Alors, il est très difficile de revenir en arrière et défaire les "mauvaises habitudes" inscrites dans le corps socialisé, qui ont été "importées" dans le tango.
Mais le tango argentin est, nous l'avons souligné, une grande occasion de retrouver sous le corps socialisé notre corps naturel (voir >le corps naturel et les fondamentaux). Ce serait dommage de rater cette occasion unique. L'image du tango, ses clichés, les grands malentendus, touristiques et exotiques, produisent malencontreusement ce rendez-vous raté avec le tango.
Rythme et mouvement sont intimément liés, comme la face intérieure et extérieure du même corps : les battements de notre cur sont un mouvement intérieur de notre corps et nous donnent en même temps notre rythme de vie, ils sont mouvement et rythme.
Il est évident que toutes les dimensions fondamentales décrites jusqu'ici entrent en jeu spour comprendre et pratiquer la musicalité du mouvement. La relation équilibrée entre la dimension verticale et la dimension horizontale de notre mouvement permet à la fois de donner et de suivre les impulsions et relâchements naturels de notre mouvement. Ainsi, nous ne courons pas derrière le rythme de la musique que nous endendons à l'extérieur par les enceintes, mais nous créons de l'intérieur une musique de notre danse qui peut rejoindre la musique que nous entendons.
Tout mouvement s'inscrit dans un espace. Ce constat semble évident, mais il comporte beaucoup d'implications fondamentales pour l'apprentissage et l'enseignement du tango. Un exemple simple le montre clairement : beaucoup d'amateurs du tango se montre très préoccupés par l'équilibre de leur corps dans la danse. Or, pour trouver un équilibre, il suffit souvent de sortir de la focalisation sur notre corps et ouvrir notre sensibilité à la perception globale de l'espace qui nous entoure. Nous gagnons en équilibre dans la mesure où nous gagnons en perception globale de l'espace : regard périphérique englobant, perception du haut et de l'espace derrière autant que celle de devant et du bas, perception plus globale de notre partenaire et des autres danseurs dans le bal. C'est en nous enfermant dans la seule perception de notre propre corps et mouvement que nous perdons l'équilibre.
Ainsi avons-nous développé des exercices et des expérimentations qui permettent d'agrandir la perception de notre mouvement dans l'espace, secondé par un regard périphérique et non-focalisant : comment sentir ce qui se passe dans notre dos ? comment me sentir évoluer dans l'espace plutôt que l'espace s'adapter à mon mouvement ? comment créer, dans l'abrazo du tango, un espace fermé de notre danse à deux, et en même temps garder la conscience de la dynamique dans le bal ? comment s'adapter à cette dynamique, à la fois dans l'improvisation des figures et dans l'improvisation musicale ?